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NOUVELLES c .
de -
S AINT-DOMINGUE.i
du 9 au 14 mars 3730.’
O N connôît depuis long-temps les troubles qui agitenï
la colonie; les démarches vraiment extraordinaires du co«
mité du Nord ; les proscriptions quhl a lancées ; l’autorité,
des administrateurs et du conseil absolument nulle, et di«
.visé en autant de comités qu’il y en a d’établis , même dans
les plus petits endroits de la colonie : cette anarchie régné
toujours, et même plus fortement que jamais. Elle ne fait
qu’augmenter de jour en jour, et les bons esprits craignent
beaucoup qu’elle ne prenne un nouveau degré de force pati*
dant et après la tenue de l’assemblée coloniale fixée au aS d®
mars.
Saint-Marc est le lieu convenu pour tenir Cette assem-
blée. Sa position au centre de la colonie, dans un air sa-
lubre , et entourée de plaines à vivres , lui a fait donner
la préférence; on dispose le bâtiment de l’église à cet effet,
L’assemblée doit être composée de 212 électeurs,
S A V O I R :
3o Pour la province du Nord.
74 Pour la province de l’Ouest*
68 Pour la province du Sud.
212
( 2 )
Lo mode de convocation est déterminé: on a dû procéder
à la nomination des électeurs le 14; cependant il n y a pas
d’apparence que rassemblée puisse avoir lieu avant le 10
avril.
Le détail de toutes ses séances sera imprimé régulière-
ment.'
Les personnes qui connoissent bien la colonie , craignent
que ce nombre d’électeurs ne soit trop considérable : l’oni
pense assez généralement , même dans la colonie , que 60
électeurs bien clioisis auroient suffi pour y tracer un plan
d’administration. Déjà il se manifeste à Saint-Domingue
deux partis très marqués pour et contre l’ancienne adminis-
tration. Les habitants lâches, les grands propriétaires , les né-
gociants, les citoyens paisiblesv oudroient conserverl’ancienne
administration en la soumettant à la publicité et à la responsabi-
lité ; mais en revanche il y a dans la Colonie, comme par-tout
ailleurs , une foule de gens qui ne demandent qu’à tout
brouiller, des gens arrivés d’hier pour repartir demain , des
gens ruinés qui se sont expatriés pour venir chercher for-
tune , des gens qui viennent d’acquérir des propriétés dues
presqu’en entier à leurs créanciers , en un mot, ce qu’on
appelloit ci-devant en France , des gens de sac et de eorde j
et qui sont aujourd’hui des citoyens très actifs. On craint
que cette classe d’hommes, par ses intrigues, se fasse nommer
et compose la majorité à l’assemblée ; ces nouveaux législa-
teurs décideroient du sort d’un pays qu’ils ne connoissent pas;
et quel pays ! la plus belle colonie de la terre.
Tout est en combustion dans la ville du cap ; l’adminis-
tration y est toute entière entre les mains d’un comité qui est
renouvellé sans cesse, et , étant dirigé par le peuple, ne peut
avoir ni énergie ni suite dans ses opérations. . -
^ "ï V.
' Ce comité militaire qui a tant fait de bruit, est dissous,
le général, la chevalerie^ les majors généraux, colonels
et autres officiers de nouvelle création ont été obligés d«
quitter la ville.
Presque tous les paiements sont suspendus, les affaires
sont mortes , et le numéraire disparu entièrement.
Il continue de faire dans la colonie un sec affreux ; tout
brûle, jusqu’aux haies de Campêche, et la récolte sera
diminuée de près de moitié cette année.
Il y à eu à Saint-Marc , au commencement de mars ,
line insurrection de mulâtres et sangs mêlés qui peut oc-
casionner des suites très funestes.
Le serment des troupes françoises a passé dans la Colonie ,
ainsi que l’amour de la liberté, l’esprit de licence, et les
modes que la France envoie dans l’étranger,.
Une partie des troupes coloniales est composée de milices
mulâtres. Elles ont dû prêter le serment des milices blancs
et des troupes réglées.
Ce serment avoit été prêté dans la province du TvTord dès
le commencement de l’année. Tout s’y étoit passé asse?&
tranquillement. La piovince de l’Ouest avoit demandé aiji
général que l’on fît ajouter à la formule de fidélité k la loi eb
au roi, la formule particulière pour les sang mêlés, de resf,
pect , soumission et dévouement aux blancs.
M. de Peynier qui sembloit en prévoir les conséquences ,
l’avoit refusé. Mais le comité du Port-au-Çrince l’y a con-
traint , et le mode nouveau a été ordonné,
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Ce serment a été prêté au Port-au-Prince. Tout y a été
tranquille. La présence du général, celle des troupes réglées,
îa très grande population de la ville , etc. y ont contenu les
sang mêlés.
Il s’est prêté de même à S. Marc; cependant il n’y avoit
que très peu de monde.
L’insurrection a commencé à la paroisse des Verettes ,
plaine de l’Artibonite , et une des paroisses les moins eonsr-
dérables de la Colonie.
Les milices-blancs n’y vinrent qu’en petit nombre. Les
milices sang mêlés s’y rendirent au contraire en uniforme
et bien équipés. Cette disparate en nombre et en équipements
engage ces derniers à faire quelques représentations sur ce
nouveau serment. On traite ces représentations de séditieu-
ses. L’assemblée se sépare sans prêter le serment; grande
fermentation. On ne parle que de révolte et des moyens dé
Farréter,;
Nouvelle convocation à la paroisse d’Everette; tout le
monde s’y rend, aiusi que 1® commandant * pour le roi;
le serment y est prononcé, mais, à la vérité , d’assez mau-
vaise grâce : aussi on veut revenir sur l’ancienne insur-
rection ; quelques propos occasionnent des altercations
très vives , et bientôt il se manifeste de véritables mou-
vements séditieux. On s’empare d’un des plus mutins ;
un conseil de guerre le condamne à deux ans de chaîne.
Il est question ensuite de faire prêter le même ser-
rnent à là paroisse de la petite Riviere ; les milices-blancs
n’y viennent qu’en petit nombre; les sang mêlés ne trou-
vant presque personne , s’en retournent et s’assemblent dans
(
la petite plaine, dite de Plassac , à l’extrémité de l’Artîmo-
nile. Ils restent pendant cinq jours au nombre de trois cents:
dans les premiers jours à peine avoi«>nt-ils de quoi se
nourrir
Cependant l’imagination et la frayeur grossissent leur
nombre, et le bruit se répand dans toute la colonie qu’il,
y a une armée de quinze cents mulâtres en pleine révolte,
armés., campés et retranchés.
Leur véritable objet, en se réunissant , étoit de deman-
der à prêter le serment pur et simple. Ils rédigent une
pétition pour le comité; 200 d’entr’eux la signent. Ils invitent
quatre blancs d’en être porteurs. Cette déclaration est traitée
de manifeste. Le comité mande tous les insurgens à Saint-
Marc même , pour venir y prêter le serment. On fait venir
des troupes réglées du Port-au-Prince du Cap.
Il arrive 400 soldats des deux régiments ; 200 volontaires
blancs se réunissent à eux, et on se met en marche avec
canons, bagages et munitions.
Les mulâtres décampent; on dénonce 29 des principaux
d’entr’eux. Les noirs prennent fait et cause pour les blancs j
et , dans l’espace de deux jours , deux des séditieux, dont un
enfant de quinze ans , sont mis à mort.
Le 7 mars, jour fixé parla proclamation pour le serment
des sangs mêlés, ils se rendent tous à Saint-Marc, et la
cérémonie a lieu avec tous les signes de soumission et de
repentir. Ils étoient environ 5oo ; le général y a assisté lui-
même. On fait les plus grands éloges de la conduite de M. le
comte de Peynier ; dans cette circonstance délieate, il a
montré la plus grande modération. Il a fait,- dans toutes
les occasions , le sacrifice de son autorité au désir de réta-
blir l’harmonie.
( 6 )
Il a été ensuite question d’accorder une amnistie géné»
taie ; mais l’avis de faire un exemple effrayant a prévalu.
Les personnes qui connoissent Saint-Domingue, sont seules
capables d’apprécier la nécessité où l’on a cru être de faire
quelques sacrifices à la sécurité des habitants.
Le nommé Jean-Joly , mulâtre, riche de plus de loo mille
livres de rente, est en prison, et on lui fait son procès;
cet homme est généralement aimé. M. de Belcombe a sou-
vent logé chez lui, tout porte à croire qu’on lui fera grâce ;
niais on a voulu effrayer ses semblables , en dirigeant cet
acte de vigueur sur le plus considérable d’entr’eux.
Si les mulâtres avoient mis moins d’indiscrétion dans
leur conduite, il est à présumer qu’on leur auroit accordé
la faculté de s’assembler légalement, et de nommer des
blancs pour les représenter à l’assemblée coloniale. '
Leur insurrection a eu encore un autre motif. Dans un
temps d’anarchie, il est de la nature du cœur de chercher à
éteindre les dignités dans les autres pour s’en décorer soi-
même. C’est à qui se saisira de cette autorité qui passe par
toutes les mains et ne s’arrête nulle part.
L’ancien régime a été détruit à S.-Domingue comme en
France, et les milices antiques y ont été remplacées par des
troupes nationales. Beaucoup de blancs ont sollicité à cette
époque les places de colonels et de commandants des troupes
de couleur. Mais soit que les mulâtres déjà 'vexés ^ous l’an-
cien régime miliciel craignissent de l’être encore plus sous
le nouveau mode national^ soit que les principes de la ré-
volution fermentent déjà dans leurs têtes , ils ont demandé à
nommer euss^êmes leurs officiers dans les assemblées pri-
maires , et quelques uns d’eux ont été jusqu’à se permettre
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des réflexions au moins déplacées sur les blancs qui recber-
choient leur commandement.
L’amour propre blessé d’un côté et de l’autre, les inquié-
tudes que les habitants ont conçues de la part des mulâtres,
ont fait de cette affaire la cause générale de la colonie ; on s’y
arme dans tous les quartiers contre les gens de couleur. Un
des chefs de révolte a déjà été tué, , d’autres sont en fuite 5
d’autres enfin sont pris.
1
Le douze mars il est arrivé un événernent déplorable au
Port-au-Prince.
M. Faure de Lajard , habitant de la plaine du Gul-de-Sac ,
ayant envoyé un mulâtre domestique faire des emplettes , ce
dernier a eu une contestation avec le marchand. M. Faure ,
ayant voulu prendre fait et cause pour son esclave, a été mas-
sacré par le peuple, ouvriers , matelots, etc. et le mulâtre
lui même a été pendu aussitôt.
Le sieur Marchand fils, ^négociant au Port-au-Prince , après
avoir été nommé électeur à l’assemblée coloniale , a donné
sa démission. Le peuple a cru voir dans cette démission une
marque de mépris pour lui , et il a promené ce négociant sur
une bourique, tout au tour de la ville.j
Rennes , aS avril.
C’est l’usage en cette ville que les ecclésiastiques font une
retraite au séminaire dans ce temps-ci pour s’y recueillir.
M. de Forsan , curé de S. Etienne, syndic du clergé, et ci-
devant gentilhomme, a été soupçonné d’y .avoir rassemblé
un certain nombre de curés pour faire une adresse à l’assem-
blée nationale, tendante à demander que la religion catho-
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lique , apostolique et romaine , soit la seule publique cm
France. En conséquence on a fait liier chez lui une descente
qui a duré 13 heures. Cet honnête ecclésiastique , connu par
fies vertus et ses bonnes oeuvres, plutôt que par aucun esprit
de cabale et d’insurrection, a montré la plus grande tran-
quillité. On n’a trouvé chez lui que des choses relatives à
son état.
M. de Cherville , procureur- général syndic , a éprouvé la
même inquisition. La recherche a eu lieu pendant la nuit ,
elle a duré quatre heures. On a inventorié tous les papiers;
on n’a rien trouvé de relatif à une prétendue coalition avec
le clergé. M. de Cherville a demandé à conncître ses dénon-
ciateurs. MM. de la police Je lui ont refusé.
F I N.